Beaucoup nous ont parlé du Kawah Ijen, volcan produisant du soufre à l’extrême Est de l’île de Java, beaucoup nous ont parlé de l’épisode d’Ushuaia de Nicolas Hulot sur les porteurs de soufre ; nous voulions donc voir ça par nous-mêmes.
Nous sommes partis de Bali (de Gilimaluk pour ceux qui connaissent) pour Java (Ketapang) en ferry pour 2 jours. Il faut savoir que l’île de Bali est très proche de l’île de Java (moins de 10 kilomètres) et que la traversé se fait en 20 minutes ; une bonne vingtaine de ferrys font la rotation quotidiennement.
|
|
Données techniques du volcan :
 Altitude du parking : environ 1’850m
Altitude maximale avant cratère : 2’386m
Altitude du cratère 2’200m
Les records du volcan :
Le Kawah Ijen est le deuxième lac le plus acide au monde (pH de 0,2 pour les chimistes)
Le plus grand lac acide du monde
Le lac avec la plus grande concentration de soufre au monde (environ 10 tonnes de soufre s’échappent à l’état gazeux tous les jours !).
Enfin pour faire simple, c’est à voir !
|
Nous sommes donc montés au pied du volcan en scooter par une route en piteux état afin d’atteindre le parking à partir duquel part le chemin de randonnée (3,5 km) qui monte jusqu’au cratère (plus de 500m de dénivelé quand même !).
Nous avons donc grimpé jusqu’au sommet assez rapidement, le chemin est large et sans aucune difficulté, ce qui n’est pas le cas de la partie cratère !
Arrivés en haut, un porteur de soufre nous a proposé de descendre avec nous et de nous expliquer le déroulement de ses journées, c’est avec plaisir que nous avons accepté. Pour ceux qui n’ont jamais entendu parlé des porteurs du Kawah Ijen, voilà une description de leur travail : faire 2 fois par jour un aller-retour du fond du cratère jusqu’au niveau du parking avec sur les épaules entre 60 et 110 kg de soufre !! Non il n’y a pas de faute de frappe ! Ces petits gars qui doivent peser 60 kg tout mouillés et qui mesurent moins d’1m70 se tapent environ 20 km et 1’500m de dénivelé par jour avec plus de 100 kg de soufre sur les épaules …
Et petit rappel, le soufre est un élément chimique charmant à transporter puisqu’il est utilisé pour faire de l’acide sulfurique des batteries, de la poudre à canon et des fongicides … l’espérance de vie d’un porteur ne doit pas être bien folichonne !!
Nous sommes donc descendus dans un décor lunaire, pas la moindre petite plante, pas le moindre insecte ou reptile, absolument rien de vivant dans ce cratère à part les javanais qui montent et qui descendent. La vue n’est pas vraiment belle … plutôt impressionnante, à couper le souffle ; le vert du lac, les fumées qui irritent déjà les yeux et les poumons alors qu’on est encore à des centaines de mètres du soufre et les porteurs qui semblent être dans leur élément !
|
Arrivés en bas, juste à coté des sorties de soufre, on n’arrive pas à croire que des gens travaillent ici, l’air est très difficilement respirable (même avec le chiffon imbibée d’eau dans la bouche), la température est bien élevée et il faut faire attention à chaque pas (ne pas tomber sur les rochers : il y a des morts tous les ans, ne pas tomber dans le lac : l’eau est acide et entre 40° et 60°) ; enfin pour faire simple on est tiraillé entre 2 sentiments : prolonger l’expérience incroyable et retourner vers un endroit plus adaptée à un être humain !!
|
|
C’est finalement notre guide qui décide pour nous : il nous prend chacun par le bras brusquement et nous tire vers la sortie en mode « là, ça ne rigole plus ! ». On comprend pourquoi quelques instants plus tard lorsque nous sommes pris dans les vapeurs de soufre parce que le vent a tourné ; là on passe d’un environnement (très) hostile à un environnement qui te fait carrément comprendre « soit tu pars dans les 2 minutes, soit tu restes là pour toujours ».
Une fois sorti du nuage, on tousse et on crache tout ce qu’on peut alors que notre guide a l’air d’avoir la forme ! Petit conseil si vous êtes un jour amené à descendre dans ce volcan : ne partez pas sans guide et ne descendez pas si aucun javanais n’est en bas, le lac laisse parfois échapper de gigantesques bulles de gaz toxiques (50 m de large sur 20m de haut, de la bonne bulle quoi !) qui tuent tous ceux qui sont dans le cratère.
|
Sur la remontée, Erwan essaye de porter un chargement, le plus petit, celui pour les débutants, pour les porteurs malade : 60 à 65 Kg. Et ben il peut témoigner qu’il est impossible à un être humain normal de faire ce travail … ces javanais sont des machines !!! Et en plus, s’ils montent les pentes lentement (on leur pardonne ils portent plus d’une fois et demi leur poids !), ils descendent la pente en bottes ou en claquette plus vite que nous sans rien sur les épaules et en basket !!!!
|
Pourquoi faire ce métier ?? C’est une question que l’on peut se poser ; et bien pour l’argent évidemment !! Avec environ 4 à 4,5 cts d’euros par kilo transporté, les bons porteurs gagnent environ 9 € (120'000 RP) par jour … et perdent certainement une semaine d’espérance de vie par jour de travail, mais ça c’est autre chose… Pour donner une comparaison, un salaire mensuel moyen à java est de l’ordre de 700'000 à 1'000'000 RP, les porteurs gagnent cela en une semaine de travail. A cette activité de porteur s’ajoute en plus celle de guide pour les touristes ce qui leur permet de presque multiplier par 2 leur salaire…
Le chemin du retour fût silencieux, se dire que des gens vont se ruiner la santé à travailler dans des endroits comme ça pour fabriquer des produits qu’eux même n’utilisent pas laisse tout de même perplexe …
Lien vers Photos Java
